mercredi 7 janvier 2009

A quoi sert le conseil de prud'hommes en pratique ?

Voila bientôt 20 ans que je fais du droit du travail. J'évite de plus en plus d'aller jusqu'au bout des procédures prud'homales et privilégie de plus en plus la transaction (ou maintement la nouvelle rupture conventionnelle prévue par la loi), que je conseille un salarié ou un employeur.

Pourquoi ? Les raisons sont multiples.

Tout d'abord, la justice, avec ses juridictions encombrées et ses moyens limités, est d'une lenteur désespérante (renvoi de l'examen des affaires à plus de 2 ans devant certaines juridictions franciliennes). 2 ans et demi, c'est acceptable pour un employeur, qui n'est pas pressé de payer des indemnités ou des rappels de salaire, mais ça peut être dramatique pour un salarié au chômage.

Ensuite, la procédure prud'homale, tous les praticiens spécialisés vous le dirons, ainsi que les employeurs qui ont l'expérience de cette juridiction, c'est une sorte de loterie ou l'aléa joue un rôle extrêmement important. Le droit du travail est, en effet, d'une complexité telle (il suffit d'examiner les subtilités de la jurisprudence de la Cour de cassation sur l'application des textes législatifs, réglementaires et conventionnels relatifs à la réduction ou l'aménagement du temps de travail pour s'en assurer) qu'aucun conseiller prud'homal ne le maîtrise parfaitement. D'ailleurs - soyons honnête - qui peut affirmer maîtriser parfaitement toutes les arcanes du droit du travail, dans ses divers aspects ? Les magistrats le disent eux-mêmes (v. par ex. http://www.huyette.net/article-26488495.html : "D'après mes propres constats, l'examen de milliers de décisions prud'homales dans les chambres sociales de trois cours d'appel différentes sur une période d'environ dix années impose malheureusement de conclure que dans de trop nombreux cas les conseillers rendent des décisions qui sont soit incompréhensibles, soit insuffisamment ou pas motivées, soient juridiquement aberrantes, cela lorsque le dossier pose des questions complexes.").

En matière prud'homale plus qu'en toute autre matière, l'adage bien connu dans la profession d'avocat s'applique : "il vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès". A quoi sert, en effet, un jugement favorable, lorsqu'il est mal motivé ou difficilement compréhensible, lorsque la partie perdante souhaite le soumettre à la Cour d'appel tout simplement pour faire trancher le litige en droit. Et si la Cour d'appel réforme - ce qui est très fréquent en matière prud'homale - le procès peut durer plus de dix ans, compte tenu de la durée de l'instance devant la Cour de cassation et la Cour d'appel de renvoi... Pour revenir parfois à la case départ, avec une décision finale qui ne satisfait vraiment aucune des deux parties...

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