mardi 27 janvier 2009

La foire aux données à caractère personnel

Vous connaissez le STIC ? Non ? C'est le "Système de traitement des infractions constatées" qui constitue un "fichier de police" placé sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur depuis le mois de juillet 2001 et dans lequel sont répertoriées les informations issues de procédures pénales. Il est notamment utilisé par l'administration pour effectuer des "enquêtes administratives" au moment de l'accès aux emplois publics ou contrôlés par l'Etat ou les autorités administratives.

C'est donc en théorie un fichier avec lequel on ne plaisante pas, qui doit demeurer tout à fait confidentiel et dont l'accès doit être restreint aux seuls personnes officiellement autorisées.

La CNIL a toutefois voulu en avoir le coeur net. Résultat exposé dans un rapport présenté le 20 janvier 2009 : des conclusions assez inquiétantes. La CNIL y relève un « manque de rigueur dans les gestions des habilitations et l'attribution des mots de passe à quelque 100 000 fonctionnaires de police », une « absence quasi systématique de mise à jour » ... En 2004, la CNIL avait déjà constaté la présence de plus d'un million de fiches erronées...

La CNIL a constaté cette fois-ci la présence de « mots de passe inscrits sur des papiers à côté de l'ordinateur » ...ainsi que d'autres pratiques qui laissent penser que tout curieux non habilité a très facilement accès à ces données confidentielles, par exemple s'il souhaite effectuer des recherches personnelles de personnalité sur un candidat à l'embauche (pratique déjà constatée par la CNIL...) ses voisins, sa petite amie ou son ex-conjoint.

No comment...

jeudi 15 janvier 2009

Le SIRH et la qualité du service fourni par l'entreprise

Le SIRH est un système [d'information] intégré (de type ERP) qui regroupe les systèmes informatiques qui gèrent les ressources humaines, des plus classiques, comme la paye ou la gestion du temps, aux systèmes d’évaluation ou de formation. Le SIRH peut être lui-même une brique d’un ERP. (Source : "http://www.guideinformatique.com/fiche-sirh_grh_erm-414.htm").

L'idée qui préside à la mise en place d'un SIRH est, grosso modo, de permettre aux responsables RH de disposer d'une information complète sur toutes les données RH et de faciliter, en automatisant certains processus, la gestion des recrutements, la gestion administrative, la gestion de la paie, la gestion des rémunérations (grille et dossiers individuels), la gestion des compétences, des formations et des carrières et la gestion des temps et de l'activité (GTA).

Selon le discours officiel des cabinets de conseils, le SIRH utilise des "workflows qui irriguent toute l'entreprise", dans le cadre d'une "vision ERM - Employee Relationship Management" qui "met le salarié au centre du système", ce système étant "propre à valoriser le "capital humain""...

Le salarié est-il, en pratique, "au centre du système" ?

Prenons, par exemple, le SIRH de la SNCF.

Une étude de 74 pages a été consacrée à ce SIRH (http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-929). Le vocable "homme" n'a été employé qu'une seule fois. Mais plus remarquable encore, sur 74 pages, le vocable "salarié" n'a été employé qu'une seule fois...

La mise en place du SIRH de la SNCF s'inscrivait dans le cadre d'un projet industriel qui "se concrétise en 6 lignes d'actions" :

􀀹 Garantir la sécurité, la régularité et la fiabilité de notre production
􀀹 Offrir un service de qualité, proche de nos clients
􀀹 Conquérir de nouveaux marchés en France et en Europe
􀀹 Renforcer notre compétitivité face à la concurrence
􀀹 Equilibrer nos comptes pour accélérer notre développement
􀀹 Moderniser le management pour favoriser le dialogue, l'initiative et la prise de responsabilité.

Nul doute que grace au SIRH, ces objectifs ont été atteints.

Curieusement, ce n'est pas l'avis du président de la SNCF, des voyageurs, du président de la République et de quelques centaines de milliers d'autres personnes. La qualité de la gestion des ressources humaines - et la qualité du service fourni par l'entreprise - ne dépendrait donc pas de "l'efficience" de son système d'information ?

Considérer l'homme comme essentiellement un ensemble de données à caractère personnel à faire traiter par un système d'information - si complexe et adapté soit-il - ne serait-il pas foncièrement... une erreur d'appréciation de la nature et du fonctionnement de "l'écosystème" constitué par la communauté d'hommes et de femmes qui composent une entreprise...

mardi 13 janvier 2009

Plus de pouvoir

"- Qu'est-ce qu'il veut ? - Ce que veulent tous les hommes de pouvoir, plus de pouvoir..."
Larry et Andy Wachowsky, "Matrix Reloaded"

"Donnez tout pouvoir à l'homme le plus vertueux qui soit, vous le verrez bientôt changer d'attitude."
Hérodote

"La liberté est pouvoir sur soi-même, et les richesses ne sont que pouvoir sur les autres."
Denis de Rougemont, "L'avenir est notre affaire"

"Un homme au pouvoir n'a qu'un seul parti à prendre, le sien qui le maintiendra au pouvoir."
Jean-Jules Richard, "Le Voyage en rond"

"Plus un personnage a de pouvoir, plus il devient caricature."
Lindsay Anderson, "Jeune cinéma"

mercredi 7 janvier 2009

A quoi sert le conseil de prud'hommes en pratique ?

Voila bientôt 20 ans que je fais du droit du travail. J'évite de plus en plus d'aller jusqu'au bout des procédures prud'homales et privilégie de plus en plus la transaction (ou maintement la nouvelle rupture conventionnelle prévue par la loi), que je conseille un salarié ou un employeur.

Pourquoi ? Les raisons sont multiples.

Tout d'abord, la justice, avec ses juridictions encombrées et ses moyens limités, est d'une lenteur désespérante (renvoi de l'examen des affaires à plus de 2 ans devant certaines juridictions franciliennes). 2 ans et demi, c'est acceptable pour un employeur, qui n'est pas pressé de payer des indemnités ou des rappels de salaire, mais ça peut être dramatique pour un salarié au chômage.

Ensuite, la procédure prud'homale, tous les praticiens spécialisés vous le dirons, ainsi que les employeurs qui ont l'expérience de cette juridiction, c'est une sorte de loterie ou l'aléa joue un rôle extrêmement important. Le droit du travail est, en effet, d'une complexité telle (il suffit d'examiner les subtilités de la jurisprudence de la Cour de cassation sur l'application des textes législatifs, réglementaires et conventionnels relatifs à la réduction ou l'aménagement du temps de travail pour s'en assurer) qu'aucun conseiller prud'homal ne le maîtrise parfaitement. D'ailleurs - soyons honnête - qui peut affirmer maîtriser parfaitement toutes les arcanes du droit du travail, dans ses divers aspects ? Les magistrats le disent eux-mêmes (v. par ex. http://www.huyette.net/article-26488495.html : "D'après mes propres constats, l'examen de milliers de décisions prud'homales dans les chambres sociales de trois cours d'appel différentes sur une période d'environ dix années impose malheureusement de conclure que dans de trop nombreux cas les conseillers rendent des décisions qui sont soit incompréhensibles, soit insuffisamment ou pas motivées, soient juridiquement aberrantes, cela lorsque le dossier pose des questions complexes.").

En matière prud'homale plus qu'en toute autre matière, l'adage bien connu dans la profession d'avocat s'applique : "il vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès". A quoi sert, en effet, un jugement favorable, lorsqu'il est mal motivé ou difficilement compréhensible, lorsque la partie perdante souhaite le soumettre à la Cour d'appel tout simplement pour faire trancher le litige en droit. Et si la Cour d'appel réforme - ce qui est très fréquent en matière prud'homale - le procès peut durer plus de dix ans, compte tenu de la durée de l'instance devant la Cour de cassation et la Cour d'appel de renvoi... Pour revenir parfois à la case départ, avec une décision finale qui ne satisfait vraiment aucune des deux parties...

lundi 5 janvier 2009

Et si on sortait de la société de consommation ?

Bien entendu, il ne s'agit pas de "ne plus consommer". Tout d'abord, il y toujours des biens de première nécessité dont on ne se passera pas de sitôt - au moins pour la plupart d'entre nous dans les pays industrialisés - et qui permettent tout simplement de vivre décemment (de la nourriture variée, un toit, du chauffage et des vêtements en bon état, de quoi se déplacer ; le reste dépend de chacun). Ensuite, ce n'est pas souhaitable. La reprise de la consommation est une condition essentielle de la fin de la récession.

Mais plus fondamentalement, n'est-ce pas l'occasion, au niveau individuel, de prendre un peu de recul pour s'interroger sur :

- ce qui est réellement nécessaire pour vivre ; ai-je VRAIMENT besoin d'un plus grand appartement ou d'une plus grande maison (parfois c'est le cas, notamment lorsque la famille s'aggrandit ; mais est-ce toujours le cas ?), d'un 4x4 ou d'une grosse cylindrée (qui n'arrangent pas l'état de la planète), d'un immense écran plat et des nouveaux gadgets électroniques qui fleurissent les catalogues (Par exemple : l'indispensable souris vélo USB qui pédale au rythme de votre frappe / http://www.myidbox.com/ficheproduit-cadeau-original-souris-velo-usb-573.html),

- ce qui est réellement nécessaire pour (tenter d') être heureux ; est-ce que ma recherche de bonheur est de même nature que celle de mon conjoint, de mes enfants... ; est-ce que je passe suffisamment de temps avec eux ? Est-ce que je les écoute réellement ? Est-ce que j'écoute mes parents, mes proches, mes amis ? Qu'est-ce que je partage avec eux ?

Il n'est pas question de se réfugier au coin du feu dans une maison à la campagne (ce mode de vie étant du reste généralement plus polluant que le mode de vie urbain, pour les personnes amenées à se déplacer quotidiennement, compte tenu des multiples trajets sur des distances plus longues qu'en milieu urbain).

Mais ne pourrions-nous pas arrêter de courir et chercher à reconquérir son temps, en se dépouillant de certains artifices ? De discuter avec son voisin, d'avoir un mot pour le commerçant chez qui nous faisons nos courses ? De faire la cuisine le week-end, pour la partager avec sa famille ? De s'obliger à ne pas travailler le week-end (pour ceux qui ont le choix) ou au moins le dimanche (c'est le dernier temps de repos dans la semaine, préservons le !) ? D'écouter ce que chacun a à dire, sans le juger ? Bref, chercher à être plutôt qu'à avoir. Je me souviens d'une excellente pub pour une carte de crédit : Tout à ce qui a vraiment de la valeur n'a pas de prix (ou ne s'achète pas). Pour le reste, il y a (la carte XXX).

vendredi 2 janvier 2009

La proposition de loi sur le télétravail

Le 15 octobre 2008, une proposition de loi sur "la promotion du télétravail en France" a été déposée, c'est à dire enregistrée au bureau de la Présidence de l'Assemblée Nationale, par 59 députés, en tête desquels se trouvent MM Jean-Pierre DECOOL, Bernard GÉRARD et Pierre MOREL-A-L'HUISSIER .

Quel en est le contenu ? L'exposé des motifs l'annonce : Il s'agit d'"aller plus loin" que l’accord national interprofessionnel du 17 juillet 2005 et la jurisprudence, en s'appuyant notamment sur les travaux du Forum des droits sur l’Internet.

Il s'agit, tout d'abord, de définir légalement la situation de "télétravail" (salarié) et de prévoir qu'en pareil cas, un contrat de travail écrit est nécessaire, en listant les stipulations essentielles qui doivent y figurer. Cette nouveauté dans le droit positif va dans le bon sens compte tenu de la particularité de la situation de télétravail (seuls les CDD et quelques contrats contrats dérogatoires sont, à lire de Code du travail, obligatoirement écrits à l'heure actuelle, même si la rédaction d'un écrit pour un CDI s'impose indirectement, pour des questions de preuve des obligations respectives des parties).

Il s'agit, ensuite, de lister 10 obligations à la charge de l'employeur, en rendant impérative notamment la prise en charge des "coûts directement causés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications". Dans le nouvel article L. 1211-4 du Code du travail, certaines règles sont en réalité le rappel de règles issues d'autres textes ("Payer la rémunération aux conditions, au temps et au lieu convenus", on n'en attendait pas moins... "Respecter la vie privée du salarié. Si un moyen de surveillance est mis en place, celui-ci doit être proportionnel à l’objectif poursuivi par l’employeur") ou de sources internationales (Respecter la vie privée du salarié). Parmi cette liste, le véritable apport concerne notamment la surveillance de la charge de travail (qui ne doit pas être plus lourde que celle des autres salariés) et la prévention de l'isolement. Quant à l'organisation obligatoire d'un entretien annuel spécifique sur les conditions de travail, l'idée est bonne, mais l'on peut craindre qu'il devienne, dans les grandes entreprises, l'exercice surréaliste dénoncé par Alexandre des Isnards et Thomas Zuber dans L'open space m'a tuer.

Pour plus d'infos sur le télétravail :
http://www.virtualegis.com/cabinet/livre-teletravail.php
http://www.aftt.asso.fr/

(A suivre).