mercredi 28 avril 2010

Question préjudicielle sur la conformité avec le droit de l'Union du mécanisme de la QPC : l'arrêt controversé de la Cour de cassation du 16 avril 2010

La possibilité de contrôler l'identité d'individus en zone frontalière est-elle contraire à l'article 88-1 de la Constitution, aux termes desquels « la République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne... » ?

Selon la Cour de cassation, la question du juge des libertés vise en réalité la conformité du droit français :

- au droit de l'Union Européenne,
- et à la Constitution française.

La Cour de cassation, elle même saisie sur le renvoi de la question préjudicielle de constitutionnalité (QPC), conformément à la loi organique du 10 décembre 2009, a, dans sa décision du 16 avril 2010 (Cass., QPC, 16 avr. 2010, n° 10-40.002) décidé de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés Européennes :

- est-ce que la loi organique, qui impose aux juridictions nationales de se prononcer par priorité sur la transmission au Conseil constitutionnel de la question de constitutionnalité, est conforme à l'article 267 TFUE relatif au renvoi préjudiciel à la Cour de justice alors que l'inconstitutionnalité éventuelle, issue de l'article 88-1 de la Constitution, résulterait en réalité d'une contrariété avec le droit de l'Union européenne ?
- est-ce que l'article 78-2, alinéa 4, du Code de procédure pénale est conforme ou contraire à l'article 67 TFUE (au droit de l'Union européenne) ?

L'arrêt : http://www.gazettedupalais.com/services/actualites/actu_jur/e-docs/00/00/18/AF/document_actu_jur.phtml

Certains voient dans cette décision un "refus de se plier à la loi" comme lors des "beaux, puis les très mauvais jours des Parlements d'Ancien Régime" (http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3232,50-1341147,0.html). Selon Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'université Paris-Ouest Nanterre-la Défense, et Nicolas Molfessis, professeur de droit privé à l'université Panthéon-Assas. (Paris-II) "la démarche prônée par la Cour de cassation [...] consiste à mettre en cause une réforme constitutionnelle qui vise la protection des droits fondamentaux des justiciables, en laissant penser à la Cour de justice de l'Union qu'elle serait contraire au droit communautaire. Elle invite donc le juge européen à invalider une procédure qui vient d'être mise en place et installée, dans notre ordre juridique, au sommet de la hiérarchie des normes.".

Il demeure que la Cour de cassation semble avoir été confrontée à une véritable difficulté juridique dans la mesure où le demandeur invoquait l'article 88-1 de la Constitution qui vise expressément le droit de l'Union, en le combinant avec l'article 67 du TFUE qui prévoit l'absence de contrôle des personnes dans les frontières intérieures ainsi que le principe de libre circulation des personnes au sein de l'Union.

Certes, en posant les questions préjudicielles susvisées, la Cour de cassation a remis en cause le principe même de la priorité de la QPC sur le contrôle de conventionnalité instaurée par la loi organique du 10 décembre 2009...

Pour aller plus loin :
Voir sur le renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice par la Cour de cassation : http://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/rapport_annuel_36/rapport_2006_2284/etude_cour_2290/office_juge_2291/pratique_renvoi_prejudiciel_9982.html
Voir sur la QPC :
http://cnb.avocat.fr/La-question-prioritaire-de-constitutionnalite-QPC-entre-en-vigueur-le-1er-mars-2010_a822.html

Il faut savoir que la Cour de cassation a été presque submergée par les QPC (132 pour la seule journée du 15 avril 2010 : http://www.lesechos.fr/journal20100416/lec1_derniere/020480381353.htm), ce qui explique peut-être une certaine réticence à voir développer le rôle de "filtre" qu'elle partage avec le Conseil d'Etat...

Posted via email from virtualegis's posterous

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